dimanche 15 mars 2015

"Si c'était à refaire...": Guillaume Laborie ne change rien, mais réhabilite Wallace Wood.

Wallace Wally Wood
Si c'était à refaire...

Guillaume Laborie
PLG
Septembre 2014

Lors d'une année très chargée au niveau de la production éditoriale et des hommages rendus à Jack Kirby (1), il est évidemment difficile de remarquer et faire un peu de place à un petit bouquin paru chez un éditeur à la puissance de communication limitée, consacré à un auteur américain "maudit", mort depuis les années 80, et que le grand public moderne n'a eu que trop peu l'occasion de lire depuis au moins deux décennies (2)
Wood par lui-même
(©"My world",Weird science #22, 1953)

Néanmoins, ce livre mérite votre attention, car il paraît dans la très intéressante collection de PLG "Mémoire vive",  où les auteurs développent, au sujet de créateurs de bande dessinée, un ton et une originalité de point de vue rarement vue ailleurs, en France en tous cas.

Dans un format agréable 16 x 24 cm, dos carré collé, jaquette avec rabats, ce livre de 200 pages évoque avec une grande maîtrise la carrière d'un des auteurs de comics les plus influents de l'âge d'or.
Composé de 9 chapitres (3) établit chronologiquement, l'ouvrage montre page après page la naissance, l'évolution d'un grand artiste, puis sa déchéance, liée à de nombreux problèmes, d'ordre psychologiques, alcooliques, et sociétaux.

Le recueil où Wood a changé le costume du héros.
(©Marvel France 2014 Lee, Stan/Orlando)

Guillaume Laborie, déjà responsable d'un ouvrage consacré à un autre auteur de comics très particulier : Jim Steranko (Tout n'est qu'illusion, Les Moutons électriques, 2009) nous dévoile les dessous de l"industrie comics aux USA des années 40 aux années 80, par le truchement de ce petit homme mal dans sa peau, qui finira pas se tirer une balle dans la tête, ayant l'impression d'avoir raté sa vie, sinon sa carrière.  Mais ce gars-là méritait cet hommage en Français, ne serait-ce qu'aux vues de l'énorme quantité de travail fournit, et l'influence qu'il a pu laisser sur les artistes venus après lui, des années 60 à aujourd'hui.
On croise dans "Si c'était à refaire" tout le Gotha du comics aux états-unis, et par moment, ce livre renvoie justement en écho à celui de Mark Evanier consacré au King Jack Kirby (Harry N. Abrams, 2008).

Le trait et l'humour Wallace Wood
(Tiré de "Woodwork", et :
http://www.popculturemaven.com/comics/2014-holiday-geek-gift-guide-the-art-books/)

 Wallace Wood était encreur, et un des plus grands ayant jamais existé, mais aussi un sacré dessinateur, et il a travaillé avec les plus grands, tout comme il a travaillé pour la plupart des maisons d'éditions de l'âge d'or, d'argent et de bronze : Atlas, Timely, DC,Marvel, EC comics, Eerie, Warren, Tower, …
Il a aussi monté ses propres structures, a été un des premiers à familiariser l'auto publication avec son fanzine Witzend dés l'été 1966, et a crée ou a été à l'origine d'une ribambelle de  personnages ou de concepts, dont on ne réalisait pas encore complètement l'importance il y a peu. (D'ailleurs, certaines de ses œuvres sont encore découvertes et/ou réévaluées aujourd'hui.) (4)
On pense à ses superbes dessins ou encrages pour les histoires de science fiction de Weird fantasy, celles de Frontline combat, celles pour Creepy,  ses encrages de Jack Kirby pour les Challengers of the unknown, le comme back de Daredevil en 1964 (avec la tenue rouge !), les Thunder agents, Cannon, son essai magique pour la reprise ratée de Prince Valiant en 1970, Wizard King, mais aussi sa contribution aux cartes Mars attacks (Topps), et dans une autre mesure, son implication dans l'érotisme grivois en bande dessinée (voire la pornographie à la fin de sa vie) avec Sally Forth, et de nombreuses illustrations dans divers magazines, dont Screw, ou Big Apple comix, ou Mad.

On voit passer dans ce livre noir et blanc, assez peu illustré, (62 images en tout au fil des pages, dont une photo prise à Angoulême en 1977)  de nombreuses informations, et des anecdotes précises, qui renvoient à autant de références en fins de chapitres, faisant de celui-ci un incontournable sur le sujet en français.
Guillaume Laborie fait montre d'un désir de partager sur l'artiste sans borne, et son amour pour ce dernier transparaît à chaque page. Mais il ne tombe pas dans l'hagiographie, et les citations de nombreuses personnes ayant côtoyées l'artiste permettent de dresser le portrait d"un homme doué, mais perturbé, qui n'aura semble t-il jamais vraiment trouvé sa place.

On a une seule envie en découvrant cet ouvrage agréable : le compléter en achetant les deux beaux livres richement illustrés consacrés à Wallace Wood :

- "Woodwork", sorti en 2013 à l'occasion d'une grande exposition aux iles Canaries (édition anglaise disponible IDW Publishing; January 15, 2013), et :
- "Against The Grain: Mad Artist Wallace Wood" (TwoMorrows Publishing, 2003), qui va être réédité augmenté en Avril, suite à la mort de son auteur Bhob Stewart en 2014.


> Wallace Wood, si c'était à refaire, PLG éditions, 15 €
http://plg-editions.com/livre/wallace-wally-wood-si-cetait-a-refaire/


Bucky Ruckus,1967
from : from : http://thegoldenagesite.blogspot.fr/


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(1) De nombreux ouvrages, conférences et expositions ont été consacrés cette année 2014 en France au King of comics : chez Neofelis éditions (2 volumes bibliographiques spécialisé), chez Urban comics ("King of comics"), mais aussi les rééditions depuis quelques années de : Kamandi, Anthologie Kirby, OMAC, Le quatrième monde...

(2) > A cause d'une bibliographie française récente quasi inexistante, ou sinon dispersée dans quelques recueils. (cf : "Tales from the Crypt", "Blazing combat" ou "Frontline combat" chez Akileos)
Nb : A l'aspect maudit, on rajoutera celui de "fou", en référence au livre ultime "Mad artist against the gain", que l'on peut traduire par "L'artiste Mad (ou "fou", jeu de mot avec la revue Mad à laquelle il collaboré), contre le grain" > référence aux tempêtes subient par les marins en mer et que Wallace Wood a lui vécu contre ses pairs et éditeurs successifs.

 (3) Plus 13 pages Bonus "Le style de Wood", où l'auteur délivre une sorte de "recette" de l'artiste, en décortiquant quelques planches fameuses. Puis une bibliographie critique et un index.

(4) Cf le jeux des paquets de cartes chewing-gum Mars attacks de chez Topps .

Pour aller plus loin encore :
A lire (en anglais), le gros article hommage sur Wallace  Wood ici : http://heroinitiative.blogspot.fr/2010/06/tragic-genius-wally-wood.html

A voir : le Tumblr consacré à l'artiste : https://www.tumblr.com/tagged/wally-wood
Et le blog du fan absolu : http://wallywoodart.blogspot.fr/

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