jeudi 5 mars 2009

Alix : le démon du Pharos

Alix 27
Le demon du Pharos
Jacques Martin
Christophe Simon/ Patrick Weber
Casterman 2009

Jacques Martin a déjà eu l'occasion d'amener son héros à Alexandrie. Cette fois ci, il a souhaité nous parler plus en détail de deux éléments clé de l'ancienne Egypte : la grande bibliothèque d'Alexandrie, et son Phare.
D'un côté un symbole puissant de la culture antique, havre des connaissances et de la transmission du savoir, installé en plein coeur de la capitale; c'est d'ailleurs dans ce lieu sacré que le "savant/bibliothécaire" Cristène garde discrètement nos héros.
De l'autre un symbole éloquent des lumières : une tour majestueuse, sensée aider les marins et éclairer le monde plus poétiquement... qui malheureusement va être utilisée comme instrument d'une conspiration machiavélique...
Nikanor

Ce phare d'Alexandrie, et plus précisément de Pharos, du nom de l'îlot où il a été construit (et qui a donné le nom du bâtiment ensuite) est l'élément central de cette nouvelle histoire, au même titre qu'un personnage autour duquel l'intrigue pourrait se nouer.
Le démon auquel il est fait allusion n'est cependant pas le phare lui-même. L'aspect politique étant un autre élément essentiel de ce tome, c'est à un bras droit de Ptolémé que ce sobriquet est adressé.

...D'aucuns se souviendront des précédentes aventures d'Alix enEgypte (Le Sphynx d'or, et le Prince du Nil) ou des complots politiques avaient déjà été déjoués. Mais les personnages étaient différents. A cet instant, c'est Ptolémé II, fils de Ptolémé premier, de la dynastie des Lagides et frère cadet de Cléopatre qui est le nouveau pharaon. Or cette dernière soutenue par César lui fait de l'ombre. Il a donc accepté de s'allier avec quelques ministres peu scrupuleux afin de l'éliminer définitivement. Mais est-ce bien un Ptolémé que l'on souhaite garder sur le trône ?...

On sentait chez Jacques Martin le désir d'explorer les relations aux différentes civilisations ou peuplades depuis quelques albums, et ce blog avait déjà pu à l'occasion des 60 ans d'Alix faire ressortir l'aspect politique grandissant de ses relations aux différents protagonistes : Alix et César, Alix et les Ibères...
Soit comme intermédiaire, soit comme partisan... (voir la note.)

Ce nouvel album ne dément pas cette tendance. Appuyant sur cette période trouble de l'Egypte, où Cléôpatre vit telle une recluse se méfiant de tout le monde et surtout de sa famille, l'auteur ne nous propose pas de chevauchés fantastiques ou des échappées dans des contrées lointaines. Non, ce huit clos au sein d'Alexandrie analyse seulement un conflit politique tout en proposant néanmoins une parfaite tragédie antique.

Le scénario ne manque d'ailleurs pas d'intérêt et de réalisme historique. Les relations entre Alix, Enak et Philippos, l'autre étudiant de Cistène au sein de la bibliothèque où ils ont été accueilli pour leur enquête et d'ailleurs sans aucun doute l'élément le plus judicieux de ce dernier : Jalousie, suspicions de trahison... apportent le plus nécessaire au fil historique, sans lequel ce scénario aurait sensiblement manqué de sel.
Philippos au mileu de nos deux héros

L'attitude du savant humaniste, qui, rongé par la peur et l'amour qu'il porte à son meilleur élève et qui va sacrifier un moment ses valeurs malgré lui apporte aussi une belle réflexion philosophique. L'aspect culturel de l'ensemble de l'album n'échappera d'ailleurs à aucun lecteur attentif, et on citera à ce sujet pour finir la visite par Alix et Enak de l'atelier du sculpteur Demosthène chargé de composer la statue qui orne le phare. Nos héros ressortiront d'ailleurs émerveillés par tant de talent.
Cistène, perdu...

Bref, le "Demon du Pharos" confirme la direction adulte de la série amorcée par Martin depuis quelques albums et son aspect beaucoup plus documentaire développé par ailleurs dans la série parallèle : "Les voyages d'Alix".

Associée aux dessins plutôt corrects de Christophe Simon* (et Patrick Weber au scénario), cette histoire (on ne parlera pas ici d'aventure) offre au final un 27eme album tout à fait honorable, même si certains atouts d'un "Prince du Nil" font néanmoins défaut. On a en effet tous en tête les magnifiques scènes de désert et la poésie intrinsèque de ce précédent album, ou d'autres aussi anciens, où le ton des finals à chaque fois nous laissait un goût de mélancolie doux-amer (...)

Deux questions resteront donc posée à la fin de ce dernier tome :

1) Est-il possible de retrouver un héros plus combatif et moins spectateur dans cette série... dans un environnement au passage d'avantage porté sur la poésie ?

Alix impuissant devant une reine...(p.12 cases 5-6)

2) Alix laissera t-il dorénavant les "grands" s'occuper de politique comme le lui suggère Cléopatre en fin de cette histoire, ou bien continuera t-il à intriguer et à nous priver au passage de vraies aventures ?
Un challenge que l'on l'espère en tous cas Jacques Martin ou ses collaborateurs capablent de relever pour le prochaine volume.

(*) Le dessin de couverture représentant Alix et Cléôpatre figés dans une pose théâtrale aurait put être vraiment réussi, mais la statue de Nikanor chutant du haut du phare démontre une action qui casse quelque peu cette belle image. Une couverture n'est pas une case et ce petit détail est dommage. On ne s'attardera pas non plus sur les quelques détails anatomiques parfois peu esthétiques de certains dessins (La main de la "reine" page 12 case 5 par exemple).

A lire pour en savoir plus sur notre héros : le mag d'Alix : Alixmag.com


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelle belle surprise que cette chronique sur le dernier album d'Alix !

Les questions que tu poses sont très bonnes, mais il s'agit tout de même (à mon goût) du meilleur album depuis pas mal d'années (en fait, depuis que Jacques Martin a arrêté de dessiner). Christophe Simon est excellent au dessin, mais il développe son style propre et je n'ai pas l'impression que l'on va retrouver l'énergie du créateur de la série. Il faut admettre ce changement de style et il me semble inévitable qu'un repreneur de talent impose sa manière personnelle.

Je prévois donc pour l'avenir un Alix plus "historique" (voir politique) et moins aventureux.

Sinon, je viens de relancer le forum d'Alix, et je ne manquerai pas d'y signaler ton article :-)

Hectorvadair a dit…

Merci Raymond.
Je suis vraiment très heureux de trouver d'autres amateurs qui lisent mes chroniques et de pouvoir communiquer avec eux. Il semble que l'on aime les mêmes séries, ou qu'en tous cas nos goûts sur les BD franco-belges se tiennent.
Merci pour le forum et pour les liens que tu as fait.
Je viens de m'inscrire et ne manquerai pas de partager avec vous tous.
Je suis sans doute un peu dur avec Christophe Simon, mais... qui aime bien...
J'ai laissé un commentaire sur Alix mag à propos du procain Alix; Il semble que le monde celtique soit à nouveau traité. J'ai hâte.

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